Les Français et la location : embûches, compromis et entorses

Une étude exclusive pour Zelok

Faut-il forcément transiger avec ses principes pour décrocher un logement ? Dans un marché locatif souvent saturé, la recherche d’un toit s’apparente de plus en plus à une épreuve d’endurance, où les compromis, les renoncements, voire les entorses aux règles, se banalisent. Entre exigences des bailleurs, pression de la concurrence, pratiques non déclarées ou dossiers enjolivés, locataires comme propriétaires naviguent parfois aux frontières de la légalité.

C’est ce que révèle une enquête réalisée par l’institut Flashs pour Zelok auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 Français et Françaises âgé(e)s de 18 ans et plus. Parmi eux, 1 606 personnes ayant un lien actuel ou passé avec la location — dont 808 actuellement locataires — ont été interrogées pour explorer les stratégies, les obstacles, mais aussi les accommodements et les dérives qui ponctuent désormais le parcours locatif.

Un budget locatif qui pèse lourd

budget locatif sur le revenu des français

Premier constat marquant : 41 % des locataires actuels consacrent plus d’un tiers de leurs revenus nets au paiement du loyer, un seuil généralement considéré comme critique en matière d’équilibre budgétaire. Si 59 % parviennent à rester en dessous, la pression reste forte pour de nombreux foyers, notamment ceux disposant des revenus les plus modestes. Parmi les personnes dépassant la barre des 33 %, 4 sur 10 disposent de revenus mensuels inférieurs à 1 300 euros, et plus des deux tiers (69 %) gagnent moins de 1 900 euros. Un rappel que le logement, pour une large partie de la population, pèse de manière disproportionnée sur le budget du ménage, au point d’orienter et même de restreindre fortement les autres choix de vie.

Entre agences et particuliers, le cœur des locataires balance

Parmi celles et ceux ayant un lien avec la location, la majorité opte pour une approche mixte en matière de recherche de logement : près de 42 % déclarent en effet privilégier à la fois les agences immobilières et les offres de particuliers. Une stratégie de diversification qui peut s’expliquer par la volonté d’élargir les opportunités ou d’optimiser ses chances de trouver rapidement un bien adapté. Les agences conservent toutefois un socle solide de fidèles, puisqu’un tiers des répondants (32 %) les plébiscitent exclusivement, tandis que 26 % affirment préférer traiter directement avec des particuliers.

Préférence entre agence ou particulier pour une location

Des agences jugées trop chères

Si de nombreux locataires choisissent de se tourner exclusivement vers des particuliers, ce n’est pas sans raison. Parmi celles et ceux qui boudent les agences, plus de deux sur trois (67 %) pointent d’abord le montant jugé excessif des frais appliqués, estimant que le service rendu ne justifie pas un tel coût. D’autres privilégient le lien humain ou la transparence directe, 29 % déclarant préférer échanger sans intermédiaire avec le propriétaire. À ces motivations s’ajoute une défiance envers le secteur lui-même : 22 % des répondants évoquent un manque de confiance envers les agents ou, pour 21 %, un processus perçu comme trop administratif. Autant d’éléments qui viennent renforcer l’attrait d’une recherche plus directe, moins encadrée, mais jugée plus souple, plus économique, voire plus rassurante.

Louer sans visiter, une réalité

Louer un logement sans le visiter

Dans un contexte de tension locative, la précipitation peut parfois l’emporter sur la prudence. Ainsi, près d’un tiers (30 %) des personnes ayant un lien avec la location admettent avoir déjà accepté de louer un logement sans avoir rencontré physiquement le propriétaire ni visité les lieux au préalable. Un choix potentiellement risqué, que les jeunes générations semblent assumer bien plus facilement que leurs aînés : 41 % des 18-24 ans et 42 % des 25-34 ans déclarent avoir franchi ce pas, contre seulement 16 % des plus de 65 ans. Il est vrai que les moyens mis aujourd’hui à leur disposition – visites virtuelles, photographies et vidéos en ligne par exemple – facilitent grandement une prise d’informations bien plus compliquée que par le passé.

Des conditions d’accès toujours plus restrictives

Si l’accès au logement paraît relever du parcours du combattant, c’est aussi en raison de conditions de plus en plus nombreuses imposées aux candidats locataires. Parmi celles et ceux ayant un lien avec la location, plus des trois quarts (77 %) se sont déjà vu exiger un contrat de travail en CDI, tandis que près des deux tiers (64 %) ont dû justifier de revenus au moins trois fois supérieurs au montant du loyer. La production d’un garant physique, demandée à plus de 6 personnes sur 10, illustre, elle aussi, la défiance persistante du marché locatif.

Certaines demandes vont encore plus loin, avec l’exigence de plusieurs mois d’avance (44 %), d’un dépôt de garantie supérieur à la limite légale (60 %), voire de documents complémentaires parfois jugés intrusifs (42 %). Moins fréquentes, mais tout aussi problématiques, certaines pratiques touchent aux libertés personnelles : un quart (25 %) des répondants ont déjà dû justifier l’absence d’animal de compagnie, et 16 % disent avoir été sollicités pour verser une somme non mentionnée dans le contrat. Dans 15 % des cas, l’accès au logement a même été conditionné à la nationalité ou à l’origine supposée du demandeur, signe que certaines discriminations persistent, en dépit du cadre légal.

conditions demandées pour une location

Prudence chez les bailleurs

En miroir des exigences formulées par les locataires, les propriétaires bailleurs affichent, eux aussi, une nette préférence pour les profils perçus comme sûrs. Une majorité d’entre eux disent exiger un contrat de travail en CDI (67 %) ou des revenus supérieurs à trois fois le montant de la mensualité (56 %), des critères quasiment identiques à ceux rencontrés par les locataires. La demande d’un garant physique est également très fréquente (62 %), tandis que la garantie Visale séduit désormais près d’un bailleur sur deux (45 %).

L’anticipation des impayés se traduit aussi par des contraintes financières renforcées : 58 % imposent un dépôt supérieur au plafond légal en location nue ou meublée, et 39 % demandent plusieurs mois de loyer d’avance. Moins attendue, la moitié des bailleurs interrogés admettent réclamer des documents supplémentaires (relevés bancaires, attestations…). Enfin, 29 % disent avoir déjà sollicité le versement d’une somme non déclarée dans le contrat, et plus d’un quart (27 %) avouent avoir posé des clauses liées à la nationalité ou à l’origine, malgré les risques encourus pour de telles pratiques.

Des précautions encore trop rares face aux risques

Précaution sur les documents personnels de location

Dans un environnement numérique propice aux arnaques, la protection des données personnelles lors du dépôt d’un dossier de location reste pourtant loin d’être systématique. Parmi celles et ceux ayant une expérience de la location, seuls 44 % affirment vérifier systématiquement l’identité du propriétaire, en s’appuyant notamment sur des recherches en ligne. Un peu plus d’un tiers demandent à voir des justificatifs tels qu’une copie de la taxe foncière, tandis que 31 % prennent la peine d’ajouter une mention de type « uniquement pour location » sur les documents transmis. Un quart des répondants (25 %) privilégient les plateformes spécialisées comme Zelok, qui conjuguent praticité et sécurité. Si la majorité des répondants prennent au moins une mesure de précaution, une large part continue donc de transmettre des informations sensibles sans filet, au risque de voir leur dossier détourné ou exploité à des fins frauduleuses.

Des pratiques abusives banalisées

Face à la difficulté croissante d’accéder à un logement, nombre de locataires semblent résignés à accepter des pratiques pourtant contraires à la loi ou à l’éthique. Parmi celles et ceux ayant déjà été confrontés à la location, plus de 4 sur 10 (42 %) reconnaissent qu’il est difficile de faire autrement, quand bien même ils n’y consentiraient pas de bon cœur. Une part non négligeable (22 %) va même plus loin en estimant que consentir à des conditions abusives est devenu une nécessité pour se loger. Clauses illégales, paiements non déclarés, loyers surfacturés : autant de dérives qui, faute d’alternatives, s’installent dans les pratiques et banalisent des rapports de force déséquilibrés. Seule une minorité, un peu plus d’un tiers des répondants (36 %), affirme refuser catégoriquement ce type de compromis. Mais dans un marché tendu, ce refus peut aussi signifier renoncement à un toit.

Pratiques abusives location

Compromis risqués

Lorsque l’offre ne suffit plus à satisfaire la demande, la crainte de voir un logement convoité leur échapper pousse de nombreux candidats à prendre les devants, quitte à contourner les usages. Ainsi, 62 % des locataires disent avoir déjà eu recours à au moins une pratique financière spécifique dans l’espoir de sécuriser une opportunité : verser un acompte (39 %), présenter plusieurs garants (38 %), ou encore payer plusieurs mensualités à l’avance (31 %). Plus rares, mais non négligeables, sont celles et ceux qui admettent avoir proposé un loyer supérieur à celui demandé (22 %) ou accepté un versement partiel non déclaré (15 %).

Petits arrangements avec la vérité

La pression du marché locatif pousse parfois les candidats à franchir la ligne rouge. Un quart (26 %) reconnaît avoir déjà fourni des renseignements erronés pour maximiser leurs chances d’obtenir un logement. Les manipulations les plus fréquentes restent d’ordre déclaratif : faire croire à une situation personnelle différente (16 %), dissimuler son origine (14 %) ou encore enjoliver ses revenus à travers une fiche de paie trafiquée (12 %). D’autres vont plus loin en falsifiant un contrat de travail ou un avis d’imposition, ou encore en inventant un garant fictif, des pratiques qui, bien que minoritaires (10 % des personnes interrogées), illustrent les stratégies de contournement alimentées par la tension du marché. Les plus jeunes sont davantage concernés : chez les 18-24 ans, ils sont 21 % à avoir présenté une fiche de paie surévaluée et 19 % à avoir fourni un faux contrat.

faux document dossier location

Des bailleurs souvent confrontés aux falsifications

Le constat dressé par les propriétaires bailleurs vient confirmer celui des locataires : la falsification de documents dans le cadre d’une demande de location n’est pas un phénomène isolé. Près de 6 bailleurs sur 10 (58 %) affirment avoir déjà détecté ou suspecté un dossier frauduleux. Pour plus d’un tiers (35 %), ces soupçons se sont répétés à plusieurs reprises. Seuls 42 % disent n’avoir jamais été confrontés à ce type de situation.

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Enquête réalisée par FLASHS pour Zelok du 19 au 21 juin 2025 par questionnaire autoadministré en ligne auprès d’un panel de 2,000 Français et Françaises âgé(e)s de 18 ans et plus, représentatif de la population française. Parmi eux, 1606 qui sont en location ou l’ont été, dont 808 actuellement locataires.